LE MBOG BASA'A ET LA SCIENCE MODERNE

lundi 13 février 2017

NTJAGA MAEA OU L’AUTOPSIE DES CAUSES PROBABLES DE LA MORT CHEZ LES BASA’A



MINYEM MI NDJE PATRIARCHIE NDOG SUGA


POURQUOI LE NTJAGA MAEA

De tous les temps et dans toutes les sociétés humaines, la cause de la mort a toujours préoccupé les proches. Si dans les sociétés dites modernes, les causes d’un décès peuvent être recherchées par des méthodes dites scientifiques par l’examen du cadavre avec l’assistance  plus ou moins de la technologie, la société ancienne Basa’a procédait par le « Ntjaga maéa »

LES RAISONS DU NTJAGA MAEA

Les basa’a étaient convaincus que les causes qui peuvent conduire à la mort d’un homme, sont essentiellement liées à son entourage et à la qualité des relations qu’il entretenait avec celui-ci. L’homme bénéficie de tout temps,  de son vivant, des solides espérances qu’il a dû confier à certains de ses proches, espérances qui lui offrent un sentiment de sécurité et de confiance pouvant le permettre de se confier en toute quiétude, de se rassurer. Cette catégorie de personnes est constituée par un cercle d’hommes ou de femmes qui lui sont proches, d’amis et parents. Par contre, il doit tout aussi faire face à des rivalités, à des querelles intestines qui peuvent fragiliser le cours de son existence ou même qui peuvent l’exposer à la mort.
Le ntjaga maéa est donc une sorte d’enquête que la communauté met en place après la perte d’un de ses membres. Il ne s’agit pas très souvent de s’interroger sur le « comment » de la mort, mais surtout d’inventorier les « pourquoi » de celle-ci. Car, quel que soit le « comment », c’est le « pourquoi » et le « par qui », qui intéressent l’entourage du défunt.
Les Basa’a classent les causes, autrement dit les raisons qui conduisent à la mort en trois catégories :
Le « Tam nyemb » (la mort est donnée par une tierce personne, quelle que soit la raison)
Le « Toǹ nyemb » (c’est le défunt qui a provoqué sa propre mort)
Le « Nyemb nyemb » (les basa’a savent que la fin de la vie est la mort ; il s’agit, ici, de mort naturelle°

Peu avant l’inhumation, et sous la présidence du Mbombog qu’entourent les membres du clan et le collège des anciens de la communauté, parents et amis du défunt, les groupes de parents de celui-ci prennent la parole pour exposer certains aspects de sa vie qui étaient restés jusque-là plus ou moins cachés. Au cours de ces exposés, la biographie et la généalogie du défunt sont présentées, révélant, ainsi,  ses défauts, son adversité, sa personnalité, ses appréhensions dans la vie, ses confidences, ses œuvres, sa descendance, sa succession…
C’est la confrontation   et l’analyse de ces exposés qui permettent au clan de déceler avec plus ou moins de certitude ce qui aurait pu provoquer le décès du défunt. Trois cas de figure peuvent impérativement se présenter :
  •      La responsabilité de la mort peut être attribuée à des méchants (Tam nyemb)
  •      Le défunt, de par son attitude, de son tempérament, de ses penchants, de ses défauts, peut avoir provoqué sa propre mort, (Toǹ nyemb)
  • ·        Ou que les causes de la mort sont naturelles. (Nyemb Nyemb)


QUI PEUT INTERVENIR LORS DU NTJAGA MAEA ?

Le ntjaga maéa est un exercice très organisé et techniquement réservé à une catégorie de personnes. Il ne s’agit pas ou n’est pas permis à n’importe qui de prendre la parole, et de raconter n’importe quoi. Les seules personnes ou groupe de personnes qui peuvent prendre la parole sont, par ordre d’intervention :

1-    BABOT

Babot (les ascendants) ce sont les oncles maternels si le défunt est un homme, ou ses parents biologiques, quand il s’agit d’une femme épouse d’un membre du clan. Chez les Basa’a, c’est ce groupe de personnes qui commence obligatoirement le ntjaga maéa (« ba m’bol liwo, c’est-à-dire qui ouvrent le deuil »), chez les Ndôg Suga par exemple, aucune autre personne ne doit et ne peut prendre la parole tant que les « babot » n’ont pas encore intervenu.
Chez les Basa’a, les géniteurs occupent une place de choix dans la vie d’un homme. Les analystes de la généalogie Basa’a soutiennent qu’un homme appartient obligatoirement à deux clans : le clan de son père auquel il appartient au quotidien et de droit, et celui de sa mère dont il est originaire. Du temps de nos parents, un homme avait des droits importants auprès de ses grands-parents maternels.
C’est donc une famille à laquelle on accorde une très grande confiance, nos mésaventures, nos rêves, nos conflits avec notre famille biologique (celle de notre père) nous amènent régulièrement à venir prendre conseil ou à nous confier à nos grands-parents maternels. Ceux-ci sont, de ce fait, considérés chez les Basa’a comme des confidents importants si non les plus importants du défunt. Par ailleurs qui mieux que les oncles maternels peut avec pertinence et détermination, vouloir venger la mort d’un homme, si celle-ci leur semblait suspecte ? 

2-    BAYANDOM (les neveux de la famille du défunt)

Le basa’a entretient des relations de famille les plus larges possibles. Ainsi, nos tantes paternelles ont fondé des familles ailleurs et leurs enfants, nos cousins, prennent part à toutes les activités de leurs grands-parents ce qui les donnent un privilège absolu sur la résolution d’un nombre important des problèmes nés dans leurs familles maternelles.
Il faut aussi ajouter que, entre cousins, naissent souvent de solides relations de confiance et de confidence qui font en sorte que, L’HOMME SE CONFIE PLUS AU FILS DE SA TANTE QU’A SES ONCLES OU COUSINS PATERNELS. Par ailleurs lors des obsèques traditionnelles chez les Basa’a, les « BANYANDÔM » jouent le rôle de gendarmes. Veillant à ce que l’organisation soit 
parfaite, et les rites scrupuleusement respectés.

3-    LÔG NYAṄ ou les cousins du côté maternel
Le défunt peut avoir tissé des relations de confiance très profondes avec ses cousins du côté maternel (les enfants des tantes maternelles. Ceux-ci sont donc autorisés à prendre la parole lors du Ntjaga maéa.

4-    BIYINA (Les amis et connaissances).

Cette catégorie de personnes composée des belles familles, des copains, des amis et autres relations, ne peuvent être autorisées à prendre la parole que s’ils détiennent une confidence ou un renseignement concernant le défunt qu’ils entendent partager avec le clan. Pendant que nous vivons, nous créons de solides liens d’amitié avec des hommes et des femmes avec qui nous n’avons aucun lien de parenté ; il nous arrive donc par conséquent à nous confier à nos amis et relations ; les renseignements intéressants peuvent donc provenir de cette catégorie de personnes. Toutefois, Ils ne peuvent en aucun cas, demander la cause de la mort du défunt, car Chez les Basa’a, « Nkil a nkab be bum »

5-    LON (le clan ou la grande famille)

Nous naissons, grandissons au milieu d’une grande famille par laquelle nous nous identifions et donc on est membre. Lors des obsèques, chez les Basa’a, c’est au Loñ (c’est un mini état), qu’incombe la responsabilité d’étudier et de se prononcer sur les causes et les circonstances du décès de l’un de ses membres. Il revient donc au clan de d’analyser les probabilités qui auraient  pu conduire le défunt à la mort. Voilà pourquoi, le clan va interroger le chef de famille sur certains aspects de la vie du défunt. Encore que, étant donné que le défunt a vécu dans ce milieu, le clan dispose de suffisamment d’informations  concernant le défunt : ses déboires, ses conflits, ses difficultés dans la vie…
C’est le clan qui clôture la phase du Ntjaga maéa ; après son intervention, personne d’autre ne peut plus prendre la parole.


En résumé, le Ntjaga maéa lors des obsèques d’un de nos membres est d’une importance cruciale il sert à :
  • -         S’interroger sur les causes probables de la mort
  • -         Les raisons qui auraient motivé le décès
  • -         Retracer la parenté du défunt
  • -         éventuellement pour être fixé sur les dernières volontés du défunt sur ses engagements avec son entourage

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