mercredi 21 juin 2017

LE CALENDRIER TRADITIONNEL BASSA

DIMANCHE EST IL JOUR DE REPOS DANS LA TRADITION BASSA? 

Dans le calendrier « modernisé » Bassa, dimanche est appelé « ngwanoy » ce qui se traduirait par : « jour de repos ». Cela doit donc pouvoir impliquer que les Bassa se reposaient le dimanche ? La réponse est non : les bassa ne connaissent pas un septième jour dans la semaine consacré au repos. L’existence du dimanche ainsi que sa signification ont été introduites dans notre culture par l’avènement du christianisme. Comme c’est presque le cas dans presque tous les domaines, nos intellectuels, qui pour la plus part ont été formés dans des institutions confessionnelles, autant que faire se peut, essaient toujours d’adapter la langue et la culture Bassa aux langues et civilisations occidentales. Ce qui a pour conséquence de tuer notre culture et son originalité.  Tenez par exemple cette notion des journées donc la durée est de vingt-quatre heures

LE JOUR CHEZ LES BASSA

Chez les Bassa le jour commence avec lever du soleil et s’achève avec le coucher du soleil rien donc à avoir avec la journée de 24 heures qui commence à une heure du matin et s’achève à minuit. Sommes-nous obligés de vivre avec ce système horaire ? Les Chinois non.
Voici en langue bassa les différents segments d’une journée :
·         Aube = mayè ma kèl autrement dit naissance du jour
·         Matin = kègla
·         Midi = kosi d’autre Bassa
·         Après-midi = buga djob c’est-à-dire le tomber du soleil quand le soleil commence à décliner
·         Soir = kôkôa ou coucher du soleil quand le soleil disparaît à l’horizon

LA NOTION DU MOIS CHEZ LES BASSA,

Mois veut dire « sôñ » chez les Bassa. Mais en réalité c’est la lune, que les bassa appellent «sôñ ». Les bassa se réfèrent alors à la lune pour compter les mois. A chaque apparition de la lune ils savent avoir entamé un autre mois. Le calendrier traditionnel Bassa est donc lunaire
 Le système de comptage des mois est le suivant : quand nous sommes en fin du mois de janvier par exemple, (calendrier occidental), à l’apparition de la lune, les bassa disent «sôñ i ba a nta » c’est-à-dire, le deuxième mois a apparu. L’autre mois commence donc avec l’apparition de la lune. Chez les Bassa, les activités sont pratiquement arrimées à l’apparition et l’extinction de la lune. Dans notre civilisation, nous pouvons suivre l’évolution d’un mois en observant la variation physique de la lune et le moment de son apparition dans la nuit :
-          MATA MA SOÑ  Au début du mois, c’est-à-dire lorsque la lune n’est qu’un quartier, semble à un arc-en-ciel ;  la lune est alors visible dès le coucher du soleil et est moins ou cesse d’être visible au milieu de la nuit.
-          MABOYENE MA SOÑ : quand la lumière de la lune est zénithale. On dit alors que sôn i bôô. Cette période correspond au milieu du mois Bassa

-          LIBOÑ LI SOÑ ou la pleine lune apparait tardivement vers les vingt heures et se couche tardivement on dit que sôñ i nkè libôñ ou bien sôñ i yé libôñ


-          SOÑ I NSOLOB qui voudrait dire « la lune s’est cachée), on peut aussi dire : « sôñ  i nkè i djiibe » c’est-à-dire la lune est entrée dans les ténèbres. en vérité elle apparaît vers les une heure du matin et n’est donc pas visible en début de la nuit. Cette période correspond à la fin du mois chez les Bassa.
A chaque apparition de la lune, les Bassa comptent :
·         Sôñ bisu = premier mois
·         Sôñ i ba = deuxième mois
·         Sôñ i aa = troisième mois
·         ….

L’ANNEE CHEZ LES BASSA

Dans la langue on appelle l’année « Nwii ». nwii peut tout aussi se traduire par « quartier ou partie)  par exemple « nwii libél ou quartier de kola » ; côte  ou rive exemple nwii lép. Nwii est donc chez les Bassa une fraction du temps. Dans la culture Bassa, l’année ne se mesure pas en nombre de mois ou de semaine mais par des périodes ou des saisons. La saison la plus indiquée et la plus observée était le « sép » ou saison sèche qui correspondrait un peu à l’hiver dans le calendrier occidental sauf que la période appelée hiver chez les Bassa est plus tôt chaude. Ainsi donc, d’un sép à un autre on parlait de nwii. Les Bassa savaient que l’année était organisée en périodes cycliques pendant lesquelles le climat ou la température observés, restaient quasiment constants.
Pendant l’année les saisons les plus observées dans le calendrier traditionnel bassa sont :
-          Ngéda sép = période de grande sécheresse
-          Ngéda yômbôl = période de grande récolte
-          Ngéda lisèè = période de grands semis
-          Ngéda nop = période des pluies
-          Ngéda hikañ = période de petite sécheresse
-          Ngéda ndjéba = période de petits semis

DE TOUTES CES PÉRIODES, LE « SEP », D’UN SEP A UN AUTRE,  REPRÉSENTAIT UNE UNITE DE TEMPS ASSIMILABLE A UNE ANNÉE DANS LE CALENDRIER OCCIDENTALE. 

samedi 17 juin 2017

LA COUTUME DE L’INTEGRATION DE LA NOUVELLEMENT MARIEE CHEZ LES FEMMES BASSA

BASÔG LO OU LES DERNIÈREMENT ARRIVÉES

La fille qui a quitté ses parents et son village pour se marier, doit pouvoir s’intégrer dans un milieu qui lui est inconnu. Elle ignore tout de sa nouvelle famille d’adoption. Pour son initiation, elle doit pouvoir compter sur les autres femmes qui l’ont précéder. Son intégration engendrait des devoirs envers celles qui sont arrivées avant elle, mais aussi des droits.

PAIEMENT DES DROITS D’AINESSE

 (ORDRE D’ARRIVEE DANS LA FAMILLE)

Les épouses de la famille, voire de la communauté les plus anciennement arrivées, avaient des droits que les « nouvellement arrivées » devaient scrupuleusement observer. L’âge ici ne comptait pas : ainsi une femme de soixante ans qui venait d’entrer dans la famille était considérée comme une jeunette pendant que la femme de vingt-quatre ans, dans ce cas précis, était considérée comme une ancienne. Chez les femmes Bassa l’ordre d’arrivée était sacré.
La première venue avait droit au respect, à l’obéissance. La nouvelle venue lui devait fidélité et soumission. Ceci se traduisait par des actes d’allégeance simples mais d’une importance coutumière non négligeable. Ainsi quand deux femmes devaient cheminer ensemble, la « nouvellement venue », quel que soit son âge, était tenue de porter le panier de la « premièrement venue ». Certaines tâches telles que : casser la kola, partager la nourriture… étaient réservées aux « Basog lo »
« Les anciennement arrivées » étaient servies en priorité et devaient s’assoir avant les « dernièrement arrivées ». Ne pas s’élever ou céder sa place à l’entrée d’une ancienne (nyôgôl) était considéré comme un crime réprimé par une amande.

LE RITUEL DE « MANGER LA KOLA »

Une nouvellement arrivée, quel que soit son âge, n’était pas autorisée à manger la kola sans l’autorisation de sa belle mère, ou de la première épouse de son mari, ou simplement l’autorisation de l’épouse la plus ancienne dans la famille. Une nouvelle venue qui était surprise à manger la kola sans l’accord préalable de l’une de ces personnes s’exposait à une très grosse amande. Et pourtant partager la kola avec ses coépouses  était une étape importante dans l’intégration de la nouvelle venue.
Pour avoir la permission de partager la kola avec ses belles mères et coépouses, rien de très simple. Il suffisait à la nouvelle mariée, nsôg lo (arrivée en dernier lieu) de se procurer d’une poignée de kola qu’elle devait offrir à l’une des femmes qui l’ont précédée dans la famille « nyôgôl wé » (sa belle-mère ou sa coépouse). Celle-ci avait alors le devoir : de prélever un quartier de kola qu’elle donnait à la nouvelle venue, et de partager le reste des kolas aux épouses de la famille. Après quoi la nouvelle venue avait le droit d’acheter, de fractionner, de partager, de recevoir, de donner la kola avec ses belles mères et coépouses de toute la communauté. Par ailleurs elle obtenait le droit de recevoir les kolas d’une autre épouse de la famille arrivée après elle.

Elle était l’objet de nombreuses tentations aussi longtemps qu’elle n’aura pas acheté la kola. Ses coépouses et ses belles mères lui donnaient alors la kola sachant qu’elle n’avait pas le droit si par oubli, elle acceptait, toutes les femmes de la famille entraient alors dans une espèce de grève, elle refusait de manger la kola,  jusqu’à ce qu’elle paie l’amande  

LES DEVOIRS DES ANCIENNES ENVERS LES NOUVELLES

A son arrivée, la nouvelle venue bénéficiait de l’encadrement, de l’intégration, de l’initialisation de celles qui l’ont précédée dans la communauté. Celles-ci lui servaient de guide, de boussole. Ses premières semences lui étaient gracieusement offertes. Des jeunes chevreaux, des jeunes poulettes lui étaient données dans un système tel que, sans en être vraiment la propriétaire au départ, elle devenait gardienne de ces bêtes et plus tard, en recevait alors, une ou plusieurs à chaque mise bas ou à chaque couvée ce qui lui permettait de devenir propriétaire  les Bassa appellent ce système de faire de quelqu’un un future propriétaire « LISÔÔ.

POUR UNE DERNIEREMENT ARRIVEE, LA PRIERE ETAIT QU’UNE AUTRE ARRIVE RAPIDEMENT DERRIERE ELLE DANS LA FAMILLE. 

samedi 10 juin 2017

mercredi 7 juin 2017

LES BASSA DISENT "ME YEGA A" POUR DIRE BONJOUR

NOUS NOUS ACHEMINONS VERS LA PERTE DE LA LANGUE BASSA PAR IMPOSITION DE LA LANGUE DU COLONISATEUR : LE FRANÇAIS


De plus en plus dans le nouveau style du parler de la langue Bassa, l’on utilise couramment  les expressions : "kègla lam", "kel lam", "kôkôa lam", pour dire bonne matinée, bonjour, bonsoir.

Il faut tout d’abord rappeler que ces expressions sont d’usage nouveau dans la langue Bassa. Il faut situer leur apparition autour des années soixante-dix : après l'indépendance du Cameroun.
Remarquons que de plus en plus des mots ou des expressions de ce genre, qui ont cours de nos jours dans nos langues maternelles ne sont que des piètres tentatives de traduction ou d’adaptation de la langue française dans la langue maternelle. Ce qui a pour conséquence d'occulter de plus en plus l’originalité de nos langues. Ce phénomène ahurissant découle de la perte de la langue maternelle à cause de l'imposition de la langue du colonisateur. 
Nous perdons l’originalité de nos langues et avec elle l’originalité de nos cultures.

LES BASSA DISENT :








Sans être un spécialiste des langues, je suppose que « le bonjour » de la langue française n’est qu’un souhait ; au fait, nous souhaitons à notre interlocuteur de pouvoir passer une bonne journée ou que la journée lui soit bonne.

Par contre le « mè yéga » de la langue Bassa se situe à la fin de l’action, à l’aval ; pour le Bassa « mè yéga » exprime notre satisfaction de nous retrouver avec notre interlocuteur, une façon de dire, merci de nous être revus, de nous être rencontrés ; une façon de rendre grâce, d’exprimer la reconnaissance, la satisfaction…
Vues sous cet angle, les expressions en mode de nos jours : kèl lam,  Kôkôa lam sortent du cadre dialectal de la langue bassa et expriment autre chose que le mè yéga.  
Par ailleurs, si mè yéga venait à disparaître ce serait une partie de notre richesse linguistique que nous aurons perdue.

ENSEMBLE, DISONS : « ME YEGA A »

samedi 3 juin 2017

POURQUOI LA VIANDE DU RAT EST INTERDITE DE CONSOMMATION AUX FEMMES BASSA






Dans les coutumes Bassa, certaines viandes sont interdites à la consommation des femmes spécialement lorsque celles-ci n’ont pas encore atteint la ménopause. De génération en génération, cette tradition a été scrupuleusement respectée, jusqu’à nos jours. Problèmes, les générations actuelles ignorent pourquoi nos parents ont interdit la consommation de certaines viandes à leurs filles. Nos règles n’ayant pas été écrites, nous nous limitons de nos jours à faire des conjectures, des suppositions fausses les unes aux autres. Certaines de nos femmes, « les têtes brûlées », de leur propre chef, ont décidé de lever ces interdictions, quand ce ne sont pas leurs maris qui ont fini par se convaincre que, c’est par égoïsme que nos ancêtres ont interdit les viandes les plus succulentes.
Il n’en est vraiment rien car notre société ancestrale était réputée pour son sens de partage. Les Bassa n’aimaient pas manger seuls. C’est ce qui explique sans doute l’étendue de nos familles. Les familles bassa étaient les plus larges, et seuls ceux qui aiment partager peuvent faire des familles aussi nombreuses.
 Je m’intéresse ici au cas de l’interdit sur la consommation de la viande du rat

POUR QUELLE RAISON LES FEMMES BASSA NE DOIVENT CONSOMMER LA VIANDE DU RAT ?

Observer l’image de la tombe ci-dessus : Cette tombe abrite en son sein, une colonie de rats. Le rat est un animal qui vit sous terre, et il est un sacré bon creuseur.
Du temps de nos grands-parents, les tombes n’avaient pas de dalles et l’on ignorait le cercueil qui est un phénomène nouveau. Le rat avait par conséquent donc toute la possibilité d’accéder aux corps déposés dans les tombes. En plus d’être creuseur le rat, c’est connu, s’emparait (et continue à s’en emparer) des ossements humains et les entreposait dans sa « cage » ; il n’hésitait d’ailleurs pas à s’en servir comme barrière.
Or il est connu que les bassa ont une peur viscérale des ossements humains. Chez les Bassa, seuls certains initiés ont le pouvoir d’en manipuler et les femmes ne doivent jamais s’en approcher. C’est donc pour protéger nos mères et sœurs que nos grands-parents les interdisaient la viande du rat. Dans ma jeunesse, quand on préparait la viande du j’étais le goûteur avant que la plat ne soit servi.

SAVIEZ-VOUS QUE LA VIANDE DU RAT EST INTERDITE DE CONSOMMATION AUX HOMMES ?


Chez les Bassa, un futur père ne peut consommer le rat. De peur de contaminer le futur bébé qui pourrait être de sexe féminin. Dans le village quand on voyait un homme refuser d’en consommer, les uns et les autres commençaient à supputer sur « l’Etat de santé » de son épouse.