MINYEM MI NDJE PATRIARCHIE NDOG SUGA
POURQUOI LE NTJAGA MAEA
De tous les
temps et dans toutes les sociétés humaines, la cause de la mort a toujours
préoccupé les proches. Si dans les sociétés dites modernes, les causes d’un
décès peuvent être recherchées par des méthodes dites scientifiques par
l’examen du cadavre avec l’assistance
plus ou moins de la technologie, la société ancienne Basa’a procédait
par le « Ntjaga maéa »
LES RAISONS
DU NTJAGA MAEA
Les basa’a
étaient convaincus que les causes qui peuvent conduire à la mort d’un homme,
sont essentiellement liées à son entourage et à la qualité des relations qu’il
entretenait avec celui-ci. L’homme bénéficie de tout temps, de son vivant, des solides espérances qu’il a
dû confier à certains de ses proches, espérances qui lui offrent un sentiment
de sécurité et de confiance pouvant le permettre de se confier en toute
quiétude, de se rassurer. Cette catégorie de personnes est constituée par un
cercle d’hommes ou de femmes qui lui sont proches, d’amis et parents. Par
contre, il doit tout aussi faire face à des rivalités, à des querelles
intestines qui peuvent fragiliser le cours de son existence ou même qui peuvent
l’exposer à la mort.
Le ntjaga
maéa est donc une sorte d’enquête que la communauté met en place après la perte
d’un de ses membres. Il ne s’agit pas très souvent de s’interroger sur le « comment »
de la mort, mais surtout d’inventorier les « pourquoi » de celle-ci.
Car, quel que soit le « comment », c’est le « pourquoi » et
le « par qui », qui intéressent l’entourage du défunt.
Les Basa’a classent
les causes, autrement dit les raisons qui conduisent à la mort en trois
catégories :
Le « Tam
nyemb » (la mort est donnée par une tierce personne, quelle que soit la
raison)
Le « Toǹ
nyemb » (c’est le défunt qui a provoqué sa propre mort)
Le « Nyemb
nyemb » (les basa’a savent que la fin de la vie est la mort ; il
s’agit, ici, de mort naturelle°
Peu avant
l’inhumation, et sous la présidence du Mbombog qu’entourent les membres du clan
et le collège des anciens de la communauté, parents et amis du défunt, les
groupes de parents de celui-ci prennent la parole pour exposer certains aspects
de sa vie qui étaient restés jusque-là plus ou moins cachés. Au cours de ces
exposés, la biographie et la généalogie du défunt sont présentées, révélant,
ainsi, ses défauts, son adversité, sa
personnalité, ses appréhensions dans la vie, ses confidences, ses œuvres, sa
descendance, sa succession…
C’est la
confrontation et l’analyse de ces
exposés qui permettent au clan de déceler avec plus ou moins de certitude ce
qui aurait pu provoquer le décès du défunt. Trois cas de figure peuvent
impérativement se présenter :
- La
responsabilité de la mort peut être attribuée à des méchants (Tam nyemb)
- Le
défunt, de par son attitude, de son tempérament, de ses penchants, de ses
défauts, peut avoir provoqué sa propre mort, (Toǹ nyemb)
- ·
Ou
que les causes de la mort sont naturelles. (Nyemb Nyemb)
QUI PEUT
INTERVENIR LORS DU NTJAGA MAEA ?
Le ntjaga
maéa est un exercice très organisé et techniquement réservé à une catégorie de
personnes. Il ne s’agit pas ou n’est pas permis à n’importe qui de prendre la
parole, et de raconter n’importe quoi. Les seules personnes ou groupe de
personnes qui peuvent prendre la parole sont, par ordre d’intervention :
1- BABOT
Babot (les
ascendants) ce sont les oncles maternels si le défunt est un homme, ou ses
parents biologiques, quand il s’agit d’une femme épouse d’un membre du clan.
Chez les Basa’a, c’est ce groupe de personnes qui commence obligatoirement le
ntjaga maéa (« ba m’bol liwo, c’est-à-dire qui ouvrent le deuil »),
chez les Ndôg Suga par exemple, aucune autre personne ne doit et ne peut prendre
la parole tant que les « babot » n’ont pas encore intervenu.
Chez les
Basa’a, les géniteurs occupent une place de choix dans la vie d’un homme. Les
analystes de la généalogie Basa’a soutiennent qu’un homme appartient
obligatoirement à deux clans : le clan de son père auquel il appartient au
quotidien et de droit, et celui de sa mère dont il est originaire. Du temps de
nos parents, un homme avait des droits importants auprès de ses grands-parents
maternels.
C’est donc
une famille à laquelle on accorde une très grande confiance, nos mésaventures, nos
rêves, nos conflits avec notre famille biologique (celle de notre père) nous amènent
régulièrement à venir prendre conseil ou à nous confier à nos grands-parents
maternels. Ceux-ci sont, de ce fait, considérés chez les Basa’a comme des
confidents importants si non les plus importants du défunt. Par ailleurs qui
mieux que les oncles maternels peut avec pertinence et détermination, vouloir
venger la mort d’un homme, si celle-ci leur semblait suspecte ?
2- BAYANDOM (les neveux de la famille du
défunt)
Le basa’a
entretient des relations de famille les plus larges possibles. Ainsi, nos
tantes paternelles ont fondé des familles ailleurs et leurs enfants, nos
cousins, prennent part à toutes les activités de leurs grands-parents ce qui
les donnent un privilège absolu sur la résolution d’un nombre important des
problèmes nés dans leurs familles maternelles.
Il faut
aussi ajouter que, entre cousins, naissent souvent de solides relations de
confiance et de confidence qui font en sorte que, L’HOMME SE CONFIE PLUS AU
FILS DE SA TANTE QU’A SES ONCLES OU COUSINS PATERNELS. Par ailleurs lors des
obsèques traditionnelles chez les Basa’a, les « BANYANDÔM » jouent le
rôle de gendarmes. Veillant à ce que l’organisation soit
parfaite, et les rites
scrupuleusement respectés.
3- LÔG NYAṄ ou les cousins du côté maternel
Le défunt
peut avoir tissé des relations de confiance très profondes avec ses cousins du
côté maternel (les enfants des tantes maternelles. Ceux-ci sont donc autorisés
à prendre la parole lors du Ntjaga maéa.
4- BIYINA (Les amis et connaissances).
Cette
catégorie de personnes composée des belles familles, des copains, des amis et
autres relations, ne peuvent être autorisées à prendre la parole que s’ils
détiennent une confidence ou un renseignement concernant le défunt qu’ils
entendent partager avec le clan. Pendant que nous vivons, nous créons de
solides liens d’amitié avec des hommes et des femmes avec qui nous n’avons
aucun lien de parenté ; il nous arrive donc par conséquent à nous confier
à nos amis et relations ; les renseignements intéressants peuvent donc
provenir de cette catégorie de personnes. Toutefois, Ils ne peuvent en aucun
cas, demander la cause de la mort du défunt, car Chez les Basa’a, « Nkil a
nkab be bum »
5- LON (le clan ou la grande famille)
Nous naissons,
grandissons au milieu d’une grande famille par laquelle nous nous identifions
et donc on est membre. Lors des obsèques, chez les Basa’a, c’est au Loñ (c’est
un mini état), qu’incombe la responsabilité d’étudier et de se prononcer sur
les causes et les circonstances du décès de l’un de ses membres. Il revient
donc au clan de d’analyser les probabilités qui auraient pu conduire le défunt à la mort. Voilà
pourquoi, le clan va interroger le chef de famille sur certains aspects de la
vie du défunt. Encore que, étant donné que le défunt a vécu dans ce milieu, le
clan dispose de suffisamment d’informations
concernant le défunt : ses déboires, ses conflits, ses difficultés
dans la vie…
C’est le
clan qui clôture la phase du Ntjaga maéa ; après son intervention,
personne d’autre ne peut plus prendre la parole.
En résumé,
le Ntjaga maéa lors des obsèques d’un de nos membres est d’une importance
cruciale il sert à :
- -
S’interroger
sur les causes probables de la mort
- -
Les
raisons qui auraient motivé le décès
- -
Retracer
la parenté du défunt
- -
éventuellement
pour être fixé sur les dernières volontés du défunt sur ses engagements avec
son entourage