La justice moderne est fondée sur l’expression de la vérité
par la manifestation de la preuve. On ne peut condamner un homme que s’il est
démontré au moyen des preuves matérielles ou non, irréfutables que ce dernier
est coupable de quelque délit. Ne dit-on pas qu’il est mille fois, préférable
de laisser un crime impuni que de condamner un innocent ? DANS la
pratique, les criminels se débrouillent pourtant
pour laisser le moins de preuves possibles dans les lieux où leurs infractions
sont commises. Il revient aux services judiciaires de détecter les preuves et
de confondre les délinquants. Il arrive pourtant que dans cet exercice, l’on condamne malencontreusement un innocent,
ou qu’un crime reste impuni. Les prisons regorgent d’innocents, des hommes et
des femmes condamnés à purger des peines pour des crimes qu’ils n’ont pas
commis. Alors même qu’en absence des preuves ou de témoins oculaires, certains
délits restent impunis. Il en est ainsi des forfaits commis de manière occulte
à l’abri des regards simples : des crimes dits de sorcellerie.
Chez les Basa’a, tribu du sud du Cameroun, le « lèemb » :
« sorcellerie » est une pratique, de l’invisible. C’est un cercle
fermé, très hermétiquement fermé. Ici les actes commis restent cachés pour la
plus part de la population. La société peut donc subir les méfaits de ses
membres qui agissent dans l’obscurité totale en toute quiétude. Ici, la justice
moderne, telle que rendue dans nos tribunaux, est impuissante face à un
phénomène qui s’en racine dans la tradition et reste du domaine de l’inexplicable,
de l’indémontrable, d’autant plus que les preuves nécessaires pour la justice
moderne sont inexistantes ou inacceptables. On est donc face à des crimes
parfaits commis hors et loin des juridictions modernes. Tout le monde soupçonne
leur existence, mais personne pour la prouver ou l’attester. Même l’église qui
propose la justice et le pouvoir divins n’a pas pu éradiquer ce phénomène très
présent et particulièrement actif dans son milieu.
Certains milieux, notamment intellectuels et scientifiques, dans l’incapacité de percer la vérité, ont
fini par qualifier le « lèemb », « sorcellerie » de mythe. Et
pourtant, la sorcellerie est une réalité et bien présente dans nos sociétés. Un
phénomène plus proche de nous, agissant en toute impunité, et qui s’est
remarquablement développé à la faveur de la déstructuration des sociétés
ancestrales qui, elles, proposaient une réponse efficace et appropriée
COMMENT LES CRIMES DE « LEEMB » ETAIENT-ILS
TRAITES CHEZ LES BASA’A ANCIENS?
Les basa’a faisaient appel au ndjég comme bras séculier, pour
pourchasser et punir les criminel. Le ndjég était impartial, implacable, le
ndjég ne poursuivait que le criminel et ne pouvait se tromper sur l’identité de
celui-ci. Il n’y avait donc aucune possibilité que qu’un innocent paie le prix
à la place d’un autre. Avec le ndjég, l’erreur judiciaire était impossible.
Le ndjég ne jugeait pas mais se chargeait de repérer le
coupable et d’exécuter la sentence qui était généralement la mort, la paralysie
d’un ou de plusieurs membres, une maladie incurable jusqu’à confession du
crime. Le « ndjég » était une force, un pouvoir, une arme immatérielle
agissant sous la forme d’un sort lancé par Le ndjéndjéga, initié et détenteur des forces
occultes.
DE LA SAISINE DU « NDJENDJEGA »
Pour la saisine du ndjéndjéga, la première condition est que l’’auteur d’un
crime doit être inconnu ou que le présumé coupable, nie toute implication dans
un forfait. Chez les basa’a, quand l’auteur
d’un délit est connu, on ne pratique plus le rituel du « ndjég ». Un
proverbe Basa’a dit « u yi i ñèmb u yèg habé ndjég » « quand on
connaît le criminel, le Ndjég n’est plus nécessaire ».
Dans la pratique, trois personnes peuvent saisir le Ndjéndjéga :
1-
Quand vous êtes accusés à tort d’un crime, vous
pouvez choisir de prouver votre innocence en acceptant d’être escorté sous l’arbre
sacré du « ndjég », appelé : « yap njég» du retour de
cette expédition neuf jours à peine sont parfois nécessaires. Les coupables
paient de leurs vies.
2-
Celui ou ceux qui ont perdu un membre de la
famille, un objet ou du fait d’un sort maléfique souffre d’un mal inexplicable ou
incurable, peut choisir de saisir le ndjéndjéga afin de punir l’auteur.
3-
Le clan qui pour démêler une histoire ou pour
punir un délit exécrable, une profanation, pour prévenir un sort ou pour faire
respecter une décision, peut ordonner à un « ndjéndjéga » d’utiliser
ses artifices pour la manifestation de la vérité, pour protéger les membres du
clan pour les contraindre à respecter une décision, ou pour les dissuader à
entreprendre quelque action négative pour le bien être du clan
LES DIFFÉRENTS NDJEG EXISTANT CHEZ LES BASA’A :
-
Le yap ndjég
-
Libôg li ndjég
-
Nkaa ndjék
-
Litjèè li kôb
-
Likoñ
-
Libaa li kèmbèl
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